Sur les forums et les réseaux sociaux, on rencontre couramment des expressions et publications mettant en cause les émissions de gaz à effet de serre par l'élevage. Nous vous proposons ici de faire un point sur ce sujet. L'élevage produit-il plus de gaz à effet de serre que le transport ? Prendre en compte l'élevage dans son ensemble est-il pertinent ? Ne faut-il pas aussi prendre en considération le captage du carbone provenant de l'activité agricole et de l'élevage ?
Depuis plusieurs années, on entend régulièrement dire que l’élevage émet davantage de gaz à effet de serre (GES) que les transports. C’est pourtant faux. Anne Mottet et Henning Steinfeld, experts du secteur de l’élevage à la FAO, expliquent la comparaison erronée à l’origine de cette idée fausse et alertent sur les conclusions trop hâtives. Source : Experts FAO via un article paru sur la Fondation Thompson Reuters.
Quand on parle d’émissions de gaz à effet de serre (GES) par secteur, de nombreux chiffres circulent dans les médias. Or, le manque de fiabilité des sources fait parfois oublier l’incohérence qu’il y a à les comparer, avec le risque d’arriver in fine à des conclusions erronées et lourdes de conséquences.
Dans un article récemment publié sur le site de la Fondation Thomson Reuters, Anne Mottet et Henning Steinfeld, experts du secteur de l’élevage à la FAO, alertent ainsi sur l’idée – fausse – selon laquelle l’élevage émettrait plus de GES que les transports. À l’origine de ce mythe : la comparaison de deux chiffres incomparables.
Pour le transport, le chiffre souvent avancé est celui du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), qui rapporte les émissions directes du secteur : 6,9 Gt en équivalent CO2 par an, soit environ 14 % des émissions anthropiques totales estimées par cette même instance. Concernant l’élevage, c’est davantage le chiffre de la FAO qui circule, à savoir 7,1 Gt d’équivalent CO2 par an, soit 14,5 % des émissions anthropiques totales estimées par le GIEC.
De là à dire que le second est supérieur au premier, il n’y a qu’un pas… Sauf que ces deux chiffres ne sont pas comparables car, en plus des émissions directes, le chiffre de la FAO intègre les émissions indirectes liées à l’élevage.
Le GIEC s’intéresse aux émissions directes par secteur. Pour le transport par exemple, il s’agit essentiellement des émissions générées par la combustion des carburants. Les chiffres du GIEC doivent donc être comparés entre eux, à savoir 2,3 Gt équivalent CO2 par an pour les émissions directes de l’élevage, soit 5 % des émissions anthropiques totales, versus les 14 % liés au transport.
Avec toutefois un bémol : si l’estimation des émissions est relativement simple pour les transports, elle l’est beaucoup moins pour l’agriculture en général, et l’élevage en particulier, tant ce secteur repose sur une grande variété de pratiques et de processus. Attention donc aux disparités qui peuvent se cacher derrière un chiffre aussi globalisant.
La FAO utilise quant à elle une approche globale du cycle de vie pour estimer les émissions liées à l’élevage. Autrement dit, elle intègre à la fois les émissions directes (liées à la digestion des ruminants et à la gestion du fumier) et indirectes : en amont (production et acheminement des aliments pour le bétail, etc.) et en aval (transformation et transport de la viande, etc.).
Pour avoir un chiffre équivalent pour les transports, il faudrait intégrer de la même manière le cycle de vie complet du carburant et des véhicules, notamment les émissions provenant de l’extraction du carburant ou encore de l’élimination des vieux véhicules. Or, une telle estimation du cycle de vie pour le secteur des transports au niveau mondial n’existe pas. Plusieurs études nationales rapportent toutefois que les émissions de ce secteur augmentent de manière significative lorsque les émissions indirectes y sont intégrées.
Enfin, les experts de la FAO soulèvent un autre problème majeur à vouloir à tout prix comparer les émissions de GES des transports et de l’élevage : celui de jeter l’opprobre sur un secteur qui ne doit pas se résumer à ces préoccupations. Car si les consommateurs aisés s’inquiètent à juste titre de leur empreinte carbone et des choix à opérer pour la réduire, cela ne doit pas faire oublier que plus de 820 millions de personnes souffrent de faim et de malnutrition dans le monde, et que, pour eux, les produits animaux représentent un véritable sésame.
A garder en mémoire également : la moitié des 767 millions de personnes vivant en situation d’extrême pauvreté dépendent du bétail pour s’alimenter et gagner leur vie. Faire des comparaisons erronées et alimenter la presse d’idées négatives envers l’élevage, c’est aussi, malheureusement, participer à détourner les plans de développement et les investissements de ce secteur pourtant capital pour lutter contre la pauvreté et la faim.
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